Peur (fini)

Titre : Peur
Disclaimer : Tout à moi.
Note de l'auteur : Petit texte fait à partir du mot "peur". Avec une amie on s'est donné des mots et on doit écrire dessus... Voilà mon interprétation de "peur"
Bonne lecture


Peur

Inspirer. Fermer les yeux. Vider son cerveau.
Allez un peu plus fort.
Inspirer. Fermer les yeux. Vider son cerveau.
Encore.
Ça ne fonctionne pas. Pourquoi ça ne veut pas fonctionner. Peut-être que si je me concentre encore plus fort je vais y arriver.
Inspirer. Fermer les yeux. Vider son cerveau.
Il faut que ça fonctionne. Je n’ai pas envie de continuer comme cela. Ça doit fonctionner !
Je ferme les yeux, inspire profondément et je me concentre sur une barrière imaginaire dans mon cerveau qui bloquerait toute les pensées, tous les sentiments. Mais ça ne change rien, au contraire ça ne fait qu’empirer. Mais ça ne vient pas de mon cerveau. C’est beaucoup plus bas, beaucoup plus fort, beaucoup moins contrôlable.
Ça vient de mon ventre, de quelque part dans mes entrailles. Cette peur tenace qui m’agrippe le ventre, qui me le noue, me le tort dans tous les sens. Ne me lâche plus. Je n’ai pas la moindre idée de comment défaire ces horribles nœuds. Je voudrais me calmer, arrêter le sautillement de mes jambes mais rien n’y fait, je n’arrive à me concentrer sur autre chose, cette peur me tient, m’enchaîne et m’entraîne aussi loin qu’elle le peut avec elle.
Mais je ne peux pas la suivre, je ne dois pas la suivre. Il faut que je m’en délivre.
Je me lève de mon lit et commence à faire les cent pas dans la chambre. Je tourne en rond, dans tous les coins. Je tourne et je retourne essayant de trouver une solution mais je me rend vite compte que rien ne fonctionne. Cette peur atteint mon cerveau et je ne peux plus penser à rien d’autre. C’est stupide parce que je ne devrais même pas avoir peur. Il n’y a rien à craindre d’après eux et puis je ne peux rien y faire. Je peux essayer de téléphoner autant que je veux, courir sur place, crier, pleurer, frapper ça ne changera rien au fait que je n’en sais rien et n’en saurais rien.
C’est à moi d’attendre ce coup de téléphone. Téléphone !
Est-ce qu’il est bien branché ? Est-ce que je n’ai pas manqué un appel à être trop concentrée sur cette peur ? Est-ce qu’il fonctionne correctement ?
Je suis prise de panique. Il faut que j’aille vérifier.
Il est bien branché mais je n’ose pas vérifier mes messages. Et si ils appelaient pendant que je vérifiais les messages. Je n’aurais pas l’appel.
Je reste debout face au téléphone les bras ballants. Je ne peux plus bouger et cette peur m’envahit dans tout le corps. Je n’ai plus peur juste pour elle mais aussi pour le téléphone. Je veux savoir si je n’ai pas manqué de coup de téléphone, si il fonctionne mais je n’ose pas. Ma main irait bien soulever le combiné et vérifier mais mon cerveau lui crie, lui hurle de ne pas le faire et mon ventre me fait mal, horriblement mal.
Ma bras se lève mais ne peut aller jusqu’au téléphone. À la place il se plie et ma main se glisse dans mes cheveux les faisant glisser en arrière. Mon corps se décale légèrement et je laisse mon dos se plaquer contre le mur et glisser le long de celui-ci me faisant atterrir en douceur sur le sol. Le carrelage est froid.

_Ah !!!
Je l’entend sursauter sur sa chaise, surprise par mon cri. Je me met alors à rire. Elle se tourne légèrement et me regarde surprise.
_Quoi ?
Je ne trouve rien d’autres à dire, sa moue est trop mignonne pour que je veuille la briser. Elle ne parle pas mais continue de s’exprimer par des mimiques avec son visage.
Posément je lui réponds.
_Le carrelage est froid.
Elle regarde mes pieds puis revient au niveau de mon visage. Elle ne dira rien mais je sais qu’elle me reproche de ne pas avoir mis mes chaussons. Elle m’avait offert des chaussons quand j’avais emménagé avec elle. Le carrelage était trop froid pour mes pieds nus en hiver. Je devrais porter ses chaussons mais je suis trop habituée à me balader pied nu.
Je regarde mes pieds puis pose mon regard sur son visage et innocemment je réponds.
_On pourrait aussi changer. Enlever le carrelage pour autre chose.
Elle se met à rire. On en a déjà discuter des millions de fois et je sais très bien qu’on ne changera pas le carrelage pour autre chose.

J’ouvre les yeux. Son rire résonne encore à mes oreilles. Je souris et pour une seconde j’oublie cette peur. Je n’entend plus que son rire et j’en aime la sonorité. Puis je réalise que je ne l’entendrais peut-être plus jamais et cette peur viscérale revient me prendre en mois d’une seconde, me plaque un peu plus fort contre le mur, commence à acquérir de plus en plus de pouvoir sur moi et finalement mes membres ne tiennent plus. Je me met à trembler. Je serre mes poings, mes dents, mes muscles autant que je le peux pour arrêter cette frénésie mais c’est encore pire et plus incontrôlable. Mon corps tremble comme une feuille et je ne peux plus rien contrôler, mes yeux commencent à laisser passer des larmes et je m’effondre sur le sol. Je m’effondre comme un petit enfant apeuré dans le noir. Je m’effondre contre le froid de ce carrelage qui me semble doux à cette instant, qui me fait penser à elle.
Ma respiration s’arrête pendant une seconde. Une seconde de panique. Une seconde où je pense à la mort. À la mienne, pas à la sienne. La sienne ne me quitte plus depuis des heures et ce foutu coup de téléphone qui ne veut pas venir !
Je reste allongée sur le sol, me laissant envahir par la peur, par la mort. Et soudainement je ne pense plus à rien. Je fixe ce point imaginaire sur le mur d’en face et tout disparaît. Il n’y a plus rien d’autre que ce point sur le mur. Je n’existe plus, la possibilité de la mort n’existe plus.
Je ferme les yeux et me laisser bercer pas le silence dans mon cerveau, par le silence dans mon ventre. Je me sens partir, lâcher prise sur l’instant. Je ne suis plus tout à fait consciente de où je me trouve, dans quelle position je suis mais je suis incapable de lutter contre le fait que je me sens m’endormir. Je voudrais me réveiller, attendre de pied ferme ce putain de coup de téléphone mais je ne peux rien faire d’autre que me laisser porter pas la douce vague du sommeil.
Mes yeux se ferment et mon corps se déplie lentement, prenant une position un peu plus confortable sur le carrelage qui ne me semble plus si froid, réchauffé par la chaleur de mon corps. Comme si il l’absorbait pour la faire sienne.

Un bruit étrange s’insinue dans mes oreilles et me réveille lentement. Je ne sais pas bien où je suis, ce que je fais et soudainement tout devient clair alors que le bruit strident et répétitif se fait plus fort.
Le téléphone. Elle.
Je me relève brusquement perdant presque l’équilibre mais ça n’a pas d’importance ma main a déjà attrapée le combiné de téléphone et le porte à mon oreille.
_Allô ?
_Mademoiselle Trinder ?
_Oui.
_Je suis David Andrews, le chirurgien qui a opéré votre amie.
Je sais déjà tout cela, j’ai reconnu sa voix. Sa voix qui m’avait convaincue de rentrer chez moi alors que je voulais rester à l’hôpital pour attendre.
_Comment va-t-elle ?
Il y a un instant de silence avant qu’il ne réponde.
_Elle va bien. Très bien. Il y a eu des complications durant l’opération, ce qui l’a fait durer plus longtemps mais elle va bien. Pour le moment elle est encore sous l’anesthésie et dort mais vous pouvez venir la voir si vous voulez.
Je marmonne un vague remerciement mais ce n’est plus que réflexe de politesse. Je ne suis déjà plus au téléphone mais je cours mettre des chaussures, attrape les clefs de la voiture et sors en oubliant presque de fermer à clef la maison.
Durant tout le trajet j’ai à peine conscience de ce que je fais. Tout ce que je sais c’est qu’une sorte de vague d’euphorie a remplacé la peur dans mon ventre. Elle est en vie.
Elle est en vie.
Je ne peux plus que penser à cela. Je vais encore entendre son rire, on va encore se chamailler à propos du carrelage, je verrais encore son visage, je sentirais encore ses lèvres contre les miennes, ses bras autour de mon corps, son corps contre le mien.
Elle est en vie. En vie !
Et plus rien d’autres n’a d’importance. Elle est en vie et je n’ai plus peur.
Plus peur du tout.

allis
18h29
27 / 01 / 2008

Merci beaucoup tout plein très fort
J'avoue que ce texte a été une sorte de soulagement pour moi autant que pour l'héroïne en quelque sorte puisque écrit en grand moment de peur... Enfin tout est relatif mais bon...

Magnifique !

J'ai littéralement adorée !! Comme le dit Azkadellia, j'ai été dans le même état que l'héroïne... Peur, angoisse et le dénouement, superbe quand ce coup de téléphone annonce la bonne nouvelle !! J'ai respirer de nouveau... Tu as super bien retranscrit cette peur, on ressent bien les émotions.

Chapeau !! J'ai adorée !!

Merci beaucoup très fort tout plein