L'homme de ses nuits

Voilà une nouvelle que j'ai écrite pour un concours organisé par ma ville.
Une des personnes qui l'a lu m'a dit un truc du genre "L"envois pas, ils vont te faire enfermer..."

A vous de juger :

(Désolée pour la mise en page bizare mais c'était obligatoire pour le concours et come c'est déjà la troisième fois que je reposte ce message, j'ai pas le moral de l'arrenger...)


L'homme de ses nuits


Elle courrait. Elle courait aussi vite que ses jambes le lui

permettaient. Elle ne savait pas où elle allait, ni même où elle se trouvait. Elle

était partie si vite, elle s'était engouffrée dans des rues au hasard. Son souffle

se fit plus court et elle fut obligée de s'arrêter. Elle essaya de se repérer mais

à cause de la nuit et de son trouble, elle n'y parvint pas. Elle poussa un

soupir de résignation et se demanda comment elle avait pu se perdre dans

une ville aussi petite que la sienne.

Son regard se posa alors sur ses mains. Elles étaient recouvertes de sang.

Elle les fixa longuement sans rien ressentir. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle

ait pu faire ça. Elle en avait tant rêver que l'idée que cela se soit réalisé lui

paraissait totalement inconcevable. Et pourtant, tout lui prouvait le contraire,

elle l'avait fait! Elle était passé à l'acte! Le feu qui brûlait en elle depuis si

longtemps avait fini par sortir. Il n'avait fallu qu'un nouvel élément pour qu'il

soit attisé et qu'il répande la mort. Elle n'avait pas eu le choix. Son besoin

s'était fait trop pressant et elle avait cédé . Elle avait lutté autant qu'elle le

pouvait, elle avait résisté avec l'énergie du désespoir, mais ses forces

avaient fini par flancher. Elle n'était qu'une humaine. Une humaine avec ses

forces, avec ses faiblesses... Avec ses envies de meurtre. Ses envies? Non,

son envie. Elle ne voulait pas tuer pour tuer, elle ne voulait les tuer qu'eux! Ce

n'était qu'un fantasme qui la hantait. Rien de plus! Comment un simple

fantasme peut-il devenir aussi puissant? Si seulement le eux n'était pas

devenu lui peut être que... Mais qui peut savoir?

Elle même ne le savait pas et elle n'en avait que faire. Les causes ne

l'intéressaient pas, tout ce qui comptait c'était la libération que son crime lui

avait apporté. C'était fait, cela ne servirait à rien de se poser des questions,

les pourquoi et les comment ne la mèneraient nulle part. Il n'y avait rien à

dire, rien à faire. C'était fait!

Etonnament calme aprés sa course effrénée, elle erra dans les rues, plus

sereine qu'elle ne l'avait été depuis des mois. Ses pas la menèrent devant

une église qu'elle ne connaissait pas, dont elle ignorait même l'existence. Elle

n'avait jamais cru en Dieu, elle n'avait jamais cherché un quelconque

réconfort dans des prières et elle ne saurait jamais ce qui la poussa ce soir là

à entrer dans l'édifice sans hésiter. Elle ne s'étonna pas outre mesure que les

portes soient ouvertes à une heure aussi tardive. Sans être impressionnée

par le caractères sacré du lieu, elle le souilla par sa seule présence et son

crime.

Elle vit le bénitier et y plongea ses mains dedans, aussitôt, l'eau qui s'y

trouvait se teinta de rouge au fur et à mesure que le sang qui commençait à

sécher sur ses mains se diluait. Effacer les marques la fit sourire et pour elle,

cela effaça aussi l'horreur de ce qu'elle venait de commettre.

Elle remonta l'allée centrale et s'assit sur le banc du premier rang, le regard

perdu dans le vide, ses pensées s'emmêlant dans sa tête, la réalité se

confondant avec le rêve.

Si jusqu'à présent, elle avait refreiné son envie, c'était par peur des

conséquences, mais une seule goutte d'eau avait suffi pour que ces

conséquences deviennent insignifiantes par rapport à son besoin. Elle

préférait passer sa vie dans une vraie prison, avec des murs, des barreaux,

des gardiens, des choses réelles que de vivre encore enfermé dans cette

prison mentale dans laquelle elle vivait depuis bientot cinq mois sans espoir

de pouvoir en sortir autrement que pas la mort de son bourreau. Cinq mois

déjà? Cinq mois si peu? Elle avait perdu la notion du temps. Elle avait

l'impression que cela durait depuis toujours et en même temps que ça n'avait

commencé qu'il n’y a que peu de temps. Qu'avait-elle connu avant ces cinq

mois? Cela ne signifiait plus rien.

Elle sursauta et retint difficilement un cri lorsqu'une main se posa sur son

épaule. Un homme se tenait devant elle, tout de noir vêtu. Elle eut un

moment de panique, les pires idées lui traversèrent l'esprit. Et si sa victime

était encore en vie et l'avait suivie? Et si un terrible vengeur venait pour la

punir? Elle remarqua alors un col blanc. Un prêtre!

Il pris place à ses cotés.

"Depuis que je laisse mon église ouverte toute la nuit, c'est la première fois

que quelqu'un y entre."

Il lui accorda un sourire bienveillant auquel elle ne répondit pas. Il ne renonça

pas pour autant.

"Je suis le pére Richard et vous?"

Elle resta silencieuse espérant qu'il s'en irait. Quand elle compris qu'il était

aussi têtu qu'elle, elle répondit :

"Je m'appelle Doriane.

-Et qu'est-ce qui vous amène dans mon église au milieu de la nuit?"

Elle ne répondit pas, se contentant de le détailler. Ce qui la frappa dans un

premier temps, ce fut sa jeunesse, il ne devait pas avoir plus de vingt cinq

ans. Il inspirait la confiance mais Doriane y fut insensible.

"Cela ne vous regarde pas mon père..."

S'il fut surpris ou déçu par sa réponse il n'en laissa rien paraître. Il se leva et

déclara :

"L'eau bénite vous a laissé du sang sous les ongles"

Avant de s'en aller.

Doriane sentit un frisson la parcourir, une peur insidieuse qu'elle avait réussi

à écarter s'immisça en elle. Elle était en colère contre elle, contre lui, contre

qui? Elle courut aprés Richard et le rattrapa.

"Pour qui vous prenez vous?"

Elle avait crié et sa voix résonna plusieurs fois dans l'église avant de

s'éteindre. Sans se départir de son calme, il lui demanda :

"Et vous, pour qui me prenez vous?"

Elle fut décontenancée et resta les bras balants sans savoir quoi rétorquer. Il

en profita pour la prendre par la main et l'obliger à se rasseoir sur un des

bancs.

"Dites-moi ce qui c'est passé."

Elle se mura dans le silence.

"Pour l'amour du ciel, Doriane, parlez moi...

-Je n'aime pas le ciel..."

L'homme de foi posa ses coudes sur ses genoux et prit sa tête entre ses

mains. Il ne pourrait rien faire pour elle si à chaque fois qu'il essayait de

l'aider elle se montrait froide et sarcastique. Il prit une profonde inspiration et

releva la tête.

"Et si vous me racontiez tout depuis le début? Oublions le ciel pour quelques

temps."

Elle se dit qu'il devait vraiment être désespéré pour vouloir oublier ce qui

faisait qu'il était là, en ce moment même à vouloir savoir des choses qui ne le

concernaient pas.

Elle ferma les yeux et remonta dans le passé à la recherche de ce qui l'avait

fait passer de jeune femme ordinaire à une meurtrière. Elle rassembla ses

souvenirs et d'une certaine manière, ils la terrifièrent, sans doute y'avait-il

encore une part d'elle qui ne voulait pas croire à ce qui arrivait. Les raconter

les rendraient si réels...Pourtant, une autre part d'elle voulait les raconter.

Elle commença son récit telle une automate :

"Je ne suis qu'une petite fille un peu trop naïve...J'étais qu'une petite fille un

peu trop naïve... En juin dernier j'ai passé mon bac et je l'ai eu. Je voyais

l'université comme un idéal de liberté. J'ai cru que j'allais vivre les meilleures

années de ma vie..."

Elle eut un petit rire désabusé.

"Qu'est-ce que je me suis trompé... Tout ça pour une erreur d'orientation,

j'aurais jamais dû aller en Histoire, mais tout le monde me l'a conseillé alors...

C'était ennuyeux au possible, je faisais autre chose pendant les cours, du

moins pendant ceux auxquels j'allais. C'était parti pour durer toute l'année

jusqu'à ce que..."

Elle sentit une boule se former dans sa gorge. Richard ne la poussa pas, ne

voulant pas prendre le risque qu'elle se referme sur elle même. Il crut qu'elle

allait partir mais elle reprit :

"Mon prof d'Histoire Médiévale est tombé malade et on a eu un remplaçant,

Monsieur Costanza et..."

Elle marqua une pause. Elle doutait qu'un prêtre puisse comprendre. D'un

autre coté, si elle ne lui disait pas à lui, à qui d'autre le pourrait-elle?

"Dés la première fois que je l'ai vu, j'ai su qu'il était fait pour moi, qu'il était

mon âme soeur. Il me captivait totalement et j'aimais cette sensation qui était

aussi agréable que douloureuse. Un jour la torture de le voir sans qu'il sache

à quel point j'avais besoin de lui est devenu insupportable. J'ai décidé de tout

lui dire. Je suis allé le voir après un cours, quand tout le monde fut parti. J'ai

commencé par lui poser des questions sur le cours, je ne pouvais pas lui

avouer mes sentiments de but en blanc, je ne voulais pas le brusquer. Je

n'écoutais pas vraiment ses réponses, me laissant envoûter par le son de sa

voix. C'était magique. Puis il s'est arrêté et a fait signe à une personne

derrière moi de venir nous rejoindre. Cela ne m'a pas dérangée, je pensais

que j'aurais bien d'autres occasions de lui parler. Je me suis retournée pour

voir ladite personne. C'était une femme, trés belle je dois bien le reconnaître.

Une grande rousse aux yeux verts, toute vêtue de noir. Elle avait une

démarche de mannequin. Monsieur Constanza me la présenta comme

étant...C'était... Comment a-il pu me faire ça?"


...

Elle se mit à pleurer et cacha son visage entre ses mains. Richard l'attira

contre lui et elle se laissa aller aux larmes contre son épaule. Il lui caressa les

cheveux et lui murmura des paroles apaisantes. Elle finit par se calmer, ses

sanglots se firent plus faibles mais elle s'accrochait à la robe du prêtre

comme si elle cherchait un point d'ancrage pour rester dans le monde réel et

ne pas continuer à sombrer dans une folie sans fin. L'homme attendait qu'elle

reprenne son histoire, mais elle dit seulement :

"Je veux rentrer chez moi"

Elle se détacha de Richard, se leva et se rassit immédiatement.

"Je suis perdue.

-C'est normal, tenta-t-il de la rassurer. vous venez de vivre des choses...

-Mais non, le coupa-t-elle, je suis perdue géographiquement, je ne sais pas

comment je suis arrivée ici...."

Elle avait repris son masque de froideur et seuls ses yeux encore rougis

témoignaient de la faiblesse dont elle venait de faire preuve.

"Alors je vais vous aider à retrouver votre chemin."

Ils quittèrent l'église et il la conduisit jusqu'à l'université, pensant que de là,

elle n'aurait aucun mal à rentrer chez elle. Ils allaient se séparer mais elle le

supplia de ne pas la laisser seule. Il accepta de la raccompagner à la

condition qu'elle lui fasse la promesse qu'une fois sur place, elle lui

raconterait la fin de son histoire. Elle promit, à contre coeur, mais elle promit.

Le trajet se fit en silence dans les rues désertes. A cette heure où le nouveau

jour chasse l'ancien, les rares personnes encore dehors ne prêtèrent pas la

moindre attention à un homme en tenue de prêtre et à une jeune femme

marchant ensemble. Comme quoi, cela peut avoir du bon de vivre dans un

monde d'indifférence.

Richard et Doriane arrivèrent devant un grand immeuble, elle composa le

code d'entrée et il montèrent deux étages avant de s'arrêter devant une

nouvelle porte. Elle chercha ses clefs, mais en partant elle n'avait emporté

qu'un seul objet qu'elle n'avait plus maintenant et qui ne lui aurait pas été

d'une grande utilité pour ouvrir une porte. Elle appuya sur la poignée pour

vérifier si c'était ouvert.

"Ma colocataire est une vraie tête en l'air quand il s'agit de fermeture de

porte..."

La chance lui sourit et sans faire de bruit, ils regagnèrent la chambre de

Doriane. C'était une pièce très spartiate, un lit, une commode, un bureau

avec une chaise, des murs blancs sans décoration. Chambre sans

personnalité, chambre anonyme.

Elle s'installa sur son lit, les genoux repliés sous elle, il opta pour la chaise de

bureau. Elle fixait un point invisible sur le sol et il se dit qu'il allait encore

devoir la pousser pour qu'elle parle.

"Alors, qui était cette femme?"

Elle se tendit et lui jeta un regard noir.

"Je n'ai pas envie d'en parler."

Pour la première fois, Richard montra un signe de lassitude.

"Vous avez promis, lui rappela-t-il.

-On fait tous des erreurs...

-Vous ne savez pas ce que vous voulez.

-Vous avez raison..."

Elle se résigna, comprenant qu'il ne la laisserait pas en paix tant qu'il ne

saurait pas le fin mot de cette histoire.

"C'était sa femme... Je l'aimais et il m'a présenté sa femme...Il devait payer

pour sa trahison. Ce soir là, j'étais dans un état second, comme hier soir à

vrai dire. En cherchant dans la cuisine, j'ai trouvé un joli couteau à viande,

depuis, il est toujours dans le dernier tiroir de ma commode."

D'un même mouvement, ils tournèrent la tête vers le meuble.

"Je devrais plutot dire "était", depuis quelques heures, il n'y ait plus..."

Richard alla jusqu'à la commode, ouvrit le dernier tiroir et le vida, éparpillant

les affaires de Doriane dans la pièce. Il devait avoir du mal à y croire.

"Où est-il maintenant?

-Je vous le dirai, mais pas tout de suite, sinon, ça n'aurait pas de sens."

Il croisa les bras et s'adossa contre le mur.

"Je vous écoute."

La jeune femme remarqua qu'il tremblait, il avait peur d'elle, elle le savait et

ça la rassurait. Maintenant qu'elle avait commencé à se confesser, elle

voulait aller jusqu'au bout, mais elle ne voulait pas de pitié de qui que ce soit.

"Où en étais-je déjà? Ah, oui, le couteau...Il hante mes rêves depuis ce jour,

chaque nuit, je tue Monsieur Constanza pour le punir. Chaque fois le scénario

change, mais il finit toujours par mourir. Ces rêves me permettaient de me

sentir plus sereine et je pouvais assurer une journée même si je le voyais et

puis aujourd'hui..."

Elle regarda sa montre.

"Enfin, hier j'ai revu sa femme...sa femme enceinte. Elle a du se souvenir de

moi car elle est venue me parler. J'aurais du la fuir mais j'ai préféré l'écouter,

voir ce qu'elle avait de plus que moi...On a parlé. De tout. De rien. Je

l'écoutais d'une oreille distraite jusqu'à ce que la conversation s'oriente sur

son état. C'est là que j'ai tout compris! Je ne sais pas pourquoi elle m'a dit ça

à moi, elle ne me connaissait pas et rien ne laisser pensé qu'on se reverrait

un jour, mais elle me l'a dit! Elle m'a avoué qu'elle n'était pas enchantée à

l'idée de devenir mère, elle avait une carrière prometteuse devant elle et et

n'avait pas envie de la mettre entre parenthèses. Elle n'avait gardé l'enfant

uniquement parce que son mari le voulait. Je pense qu'elle devait avoir

besoin de confier son secret à quelqu'un..."

Elle réalisa qu'elle se trouvait dans une situation assez semblable avec

Richard.

"Savoir qu'elle aussi avait été trahie m'a soulagé. Elle n'était en rien

responsable du mal que son mari faisait aux gens. Il fallait y mettre fin et vu

qu'elle ne semblait pas prête à le faire, c'était à moi de m'en charger. Je

l'avais suivi assez de fois pour connaître le chemin jusqu'à son domicile sur

le bout de doigts. Je suis venue ici, j'ai pris le couteau et j'y suis allée. Il faisait

déjà nuit quand j'ai eu le courage de sonner. Il m'a ouvert, je lui ai planté le

couteau dans la gorge et j'ai fui. Dans mes rêves, je prenais toujours le

temps de m'assurer qu'il meure mais c'est parce que je tuais aussi sa femme,

là je n'avais pas le temps de m'attarder."

Elle se leva et prit Richard par le bras.

"Voilà, maintenant, vous savez tout, vous pouvez partir.

-Mais...

-Il n'y a pas de mais! Dehors!"

Elle l'obligea à sortir et referma la porte à clef cette fois. Il ne chercha pas à

résister, il ne pouvait plus rien faire pour elle si elle ne le voulait pas. Elle

regagna sa chambre et se coucha sans prendre le temps de se changer.

Elle fut tirée de son sommeil quelques heures plus tard par la sonnerie

stridente de son réveil. Elle s'étira en souriant et quitta à regret la chaleur des

couvertures. Elle se prépara rapidement, vérifia que le couteau était toujours

à sa place et partit pour l'université.

Comme à son habitude, elle s'installa au dernier rang du grand

amphithéâtre, observatrice silencieuse de tout ce qui se passait. Le brouhaha

régna jusqu'à ce que le professeur arrive.

Alors, Monsieur Constanza débuta son cours se douter que parmi ses

élèves, il y'en avait une qui chaque nuit lui inventait une nouvelle mort.

Fin.

Alors, faut vraiment me faire enfermer????????